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Covid-19 : Bail commercial, suspension de loyers, report de dettes

Covid-19 : Bail commercial, report ou suspension de loyer, dénonciations de baux commerciaux, reports de dettes, contrats fournisseurs … Les TPE-PME font face à des difficultés dans la gestion de leur trésorerie du fait de l’arrêt obligatoire de leurs activités.

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Sommaire

  1. Dans quel cas les entreprises peuvent suspendre le paiement de leurs loyers ?
  2. Les contrats prévoient souvent des clauses pénales ou résolutoires. Qu’est ce que cela signifie ? Et sont-elles suspendues ?
  3. Les dettes des entreprises sont-elles suspendues pendant le confinement ?
  4. Quels sont les effets sur les contrats conclus avec les fournisseurs ?
  5. Que faire si les créanciers refusent tout report de paiements ?
  6. La chute d’activité va rendre difficile les paiements des mois pendant lesquels aucun ou peu de revenus sont générés. Qu’est-il possible de faire ?

Pour vous aider, Jonathan Elkaim, avocat au barreau de Paris et expert juridique pour la chaîne LCI, a accepté de répondre à nos questions et d’y apporter des précisions.

1. DANS QUEL CAS LES ENTREPRISES PEUVENT SUSPENDRE LE PAIEMENT DE LEURS LOYERS ?

Précisions d’abord que la suspension des baux d’habitation est exclue de tout dispositif et que seules les baux commerciaux par le dispositif mis en place.

Ensuite, cette suspension n’est pas automatique. Seules certaines entreprises sont éligibles, et certains critères doivent être respectés pour être mise en oeuvre.

Le nouveau décret du 2 avril 2020 précise les entreprises pouvant prétendre à la suspension du paiement des échéances sont celles :

  • dont l’activité débutée avant le 1er février 2020,
  • qui emploient moins de 10 salariés,
  • dont le chiffre d’affaires est inférieur à 1 million d’euros,
  • et dont, le bénéfice Imposable inférieur à 60,000 euros

Ensuite, l’entreprise doit soit (i) avoir fait l’objet d’une obligation d’interdiction au public et ne plus être en mesure d’exercer son activité, soit (ii) connaître une chute de son chiffre d’affaires supérieure à 50% depuis le 1er mars.

Il est important de respecter le formalisme imposé pour effectuer cette demande de suspension. On ne peut pas simplement arrêter de payer son loyer sans prévenir son bailleur.

Cette demande doit notamment comporter une déclaration sur l’honneur précisant que son entreprise rentre dans les critères prévus par la loi et a souscrit une demande d’éligibilité au fonds de solidarité.

Notons également qu’il ne s’agit que de suspensions de l’exigibilité des paiements et non pas d’annulation. Des discussions sont en cours pour que certains loyers soient purement et simplement annulés, mais aucune certitude sur ce juste là.

2. LES CONTRATS PRÉVOIENT SOUVENT DES CLAUSES PÉNALES OU RÉSOLUTOIRES. QU’EST CE QUE CELA SIGNIFIE ? ET SONT-ELLES SUSPENDUES ?

La clause pénale est une disposition du contrat détermine à l’avance des sanctions pécuniaires au cas où l’une des parties n’exécuterait pas ses obligations. En pratique donc ce sont souvent des pénalités de retard.

La clause résolutoire, quant à elle, va permettre à l’une des parties de respectant pas les obligations prévues dans le contrat d’y mettre fin. Par exemple, un locataire qui ne payerait pas son loyer, sans justification, peut craindre que son bailleur mette fin au contrat.

Les ordonnances du 25 mars 2020 ont permis de créer une Période de Protection durant laquelle on ne peut pas actionner la clause résolutoire ou la clause pénale d’un contrat si un engagement de payer devait se produire entre le 12 mars et le 24 juin 2020

Désormais le report n’est plus fixé forfaitairement à un mois après la fin théorique de la Période de Protection soit au 24 juillet 2020, mais au regard du délai qui était défini dans le contrat entre les parties.

Cette Période de Protection (du 12 mars au 24 juin 2020) perdurait même un mois apres la durée du confinement soit au 24 juillet 2020 ce qui permettait au débiteur de l’obligation de s’exécuter dans un très large delai.

La nouvelle ordonnance du 15 avril est venu raccourcir ce délai en prenant en compte a compter du 24 juin 2020, soit la fin théorique de la durée de protection, le délai auquel avait logiquement droit le débiteur pour s executer.

Donc si je devais payer mon loyer le 1er avril, et qu’a défaut de le payer dans les 15 jours, je m exposais a une activation de la clause résolutoire, je disposerai a partir du 24 juin de 15 jours et non plus un mois comme avant.

Exemple 1 : En application d’un contrat, une échéance de paiement qui était prévu le 20 mars 2020, soit 8 jours après la Période juridiquement protégée (12 mars 2020).

La clause pénale qui sanctionne le non-respect de cette clause, produira ses effets, si l’obligation n’est pas respectée entre temps, 8 jours après la fin de la période de protection, soit jusqu’au 3 juillet 2020.

Exemple n°2 : Si une clause résolutoire sanctionne une obligation qui devait être exécutée au 1er avril, comme le paiement d’un loyer , et qui devait s’appliquer dans un délai de 15 jours, ce délai serait reporté à la fin de la période de protection soit jusqu’au 9 juillet 2020 pour permettre au débiteur de s’exécuter.

3. LES DETTES DES ENTREPRISES SONT-ELLES SUSPENDUES PENDANT LA PÉRIODE DE CONFINEMENT ?

Non, le réflexe du chef d’entreprise ne doit pas être celui de geler automatiquement les dettes courantes.

Le covid 19 n’a pas été reconnu par le gouvernement ou par le législateur comme une cause de force majeure automatique en matière de contrats de droit privé.

Il faut analyser au cas par cas si les éléments de la force majeure sont réunis pour invoquer la force majeure.

Il faudra également bien sur prouver sa réalité et le lien de causalité qui existe entre la crise sanitaire et l’impossibilité de réaliser toute activité.

Quelques exemples :

  • Si l’activité de mon entreprise fait partie des activités pour lesquelles une interdiction d’exploitation a été prononcée (ex : hôtellerie, restauration, commerces non alimentaires), la crise sanitaire constitue un cas de force majeure.
  • Si mon entreprise n’est pas soumise à cette interdiction mais qu’elle ne peut pas poursuivre ses activités dans des condition financières habituelles : la force majeure ne serait pas applicable mais il y aurait une possibilité de demander la révision des clauses du contrat par accord entre les parties.

4. QUELS SONT LES EFFETS SUR LES CONTRATS CONCLUS AVEC LES FOURNISSEURS ?

Le cas de force majeur va permettre de solliciter :

  • La suspension du contrat et de ses effets et donc éviter la responsabilité qui en découle en cas d’inexécution de ses obligations (ex : absence de paiement, non livraison des prestations)
  • La révision du contrat voir sa résolution, c’est à dire la fin du contrat.

La révision du contrat, soit le changement de ses termes et conditions, est désormais autorisée sur la base de l’imprévision prévue par l’article 1195 du Code civil mais à condition que le contrat ait été conclu après le 12 février 2016.

Pour appliquer cela, il faut pouvoir constater (i) un changement de circonstances imprévisible lors de la conclusion de la convention, (ii) rendant son exécution excessivement onéreuse, (iii) pour une partie qui n’avait pas accepté d’en assumer le risque.

Attention : ce n’est pas systématique et il est conseillé d’abord de se rapprocher du cocontractant pour déterminer les bases d’un nouvel accord.

5. QUE FAIRE SI LES CRÉANCIERS REFUSENT TOUT REPORT DE PAIEMENTS ?

D’abord nous vous conseillons d’en discuter avec le médiateur des entreprises dans les cas ou vous faites face à des entreprises dont le comportement est abusif.

Il est ensuite possible de saisir un mandataire auprès du Tribunal de Commerce, afin d’organiser une conciliation avec les créanciers de l’entreprise pour négocier dans un cadre amiable, le paiement de vos dettes.

Elle a l’avantage d’être confidentielle (puisque seuls les créanciers sont avisés) mais surtout de permettre de préserver la trésorerie de l’entreprise en imposant des délais de paiements aux créanciers (à l’exception des paiements des salaires).

6. LA CHUTE D’ACTIVITÉ VA RENDRE DIFFICILE LES PAIEMENTS DES MOIS PENDANT LESQUELS AUCUN OU PEU DE REVENUS SONT GÉNÉRÉS. QU’EST-IL POSSIBLE DE FAIRE ?

Il est d’abord important d’étudier tous les dispositifs d’aides disponibles, notamment l’obtention d’un prêt garanti par l’état (PGE).

En l’absence de réserve de trésorerie pour faire face à l’ensemble des dettes que vous devez régler, et ne peut bénéficier d’apports de trésorerie complémentaire (emprunt, injection de capital), il va falloir solliciter la mise en œuvre d’une procédure collective.

Si votre société ne peut bénéficier d’un emprunt bancaire, il faudra demander l’ouverture d’une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire permettant la prise en charge par l’AGS (l’assurance de garantie des salaires) des salaires dus et d’imposer à vos créanciers (fournisseurs, banques) l’étalement des paiements que vous leur devez.

Si la notion peut faire peur, il est important de noter que le premier objectif de ces procédures est d’assurer la survie de l’entreprise en l’aidant à faire face à ses dettes.

Ces procédures gèlent également toute poursuite des créanciers et peuvent permettre de continuer les contrats en cours et donc à court terme les emplois de certains salariés.

Attention : une fois en procédure de sauvegarde ou de redressement entamés, cela exclura de fait toute demande de Prêt bancaire Garanti par l’Etat (PGE).

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